La dépendance des agronomes aux vendeurs de pesticides

En complément de l’article  “ Trop de pesticides inutiles dans les champs ” publié par Radio-Canada, l’Alliance pour l’interdiction des pesticides systémiques rend public une lettre adressée au Ministère de l’environnement (MDDELCC) en avril 2016 qui dénonce clairement le risque de collusion des agronomes avec les vendeurs de pesticides. Alors que le ministère a enfin publié un nouveau règlement concernant la gestion des pesticides ( lire l’article paru dans Le Devoir) il a  pourtant ignoré le risque de collusion flagrant dont il avait connaissance.

Voici certains extraits de la lettre envoyée par l’AIPS le 29 avril 2016 ( consulter la lettre complète à ce lien ) :

« (…) nous vous écrivons pour vous faire part de notre préoccupation vis-à-vis de l’absence de garantie d’indépendance de l’ordre des agronomes du Québec (OAQ).

En effet, nous avons pris connaissance de la liste des membres constituant le Groupe de travail chargé de « développer des propositions relatives aux exigences associées à une justification agronomique pour recommander certains produits phytosanitaires à risque élevé au comité tripartite MDDELCC-MAPAQ-Ordre » .

Or, il est frappant de constater que ce dernier ( dont la composition est disponible ) est composé de 5 agronomes représentant directement l’industrie des pesticides (Bayer, Syngenta, Dow, SynAgri, La Coop Fédérée). (…) Force est de constater que l’OAQ ne respecte pas son propre code de déontologie.

Lorsque nous nous penchons sur ce code de déontologie, il est assez cocasse de voir la façon dont l’Ordre s’explique dans un document publié sur leur site internet [retiré depuis] . En effet, on peut lire à la question :  « Est-ce que certains facteurs externes (pressions financières ou de tiers) affectent sa capacité [l’agronome] à recommander le meilleur produit pour traiter le problème diagnostiqué ? La réponse est qu’aucun agronome ne devrait accepter un mandat si on peut douter de sa loyauté ou de son intégrité. ».
Toutefois, l’on découvre un peu plus bas dans le document avec surprise que cette consigne pourtant explicite disparaît lorsque l’OAQ aborde la question de la rémunération des agronomes par les entreprises phytosanitaires qui les emploient « … il faut préférablement que la fraction variable du salaire [de l’agronome] soit assez faible et qu’elle soit associée à des critères qualitatifs de performance de l’employé ou à un objectif général de vente, plutôt qu’à la quantité de produits vendus. »

L’on s’aperçoit donc qu’un agronome travaillant pour l’industrie ne doit « préférablement » pas être rémunéré à la commission et qu’une rémunération à l’ « objectif général de vente » serait acceptable. Il est frappant de voir comment l’ordre gère les conflits d’intérêts.

Au regard des aspects précédemment cités, nous souhaitons avoir des précisions quant aux garanties dont le ministère prévoit de se doter pour s’assurer que les justifications agronomiques des pesticides dangereux, tout comme l’étape même de définition de la dangerosité de ces pesticides se fassent de façon clairement indépendante de l’industrie de production ou distribution des pesticides. Dans les conditions actuelles, il apparaît que l’Ordre des agronomes n’apporte pas les garanties suffisantes pour exclure le risque de conflit d’intérêts. (…) ».

De plus cette lettre fait suite à une tentative de dialogue avec l’OAQ ( lire l’article L’AIPS interpelle l’OAQ )

Ainsi l’AIPS, devant le mutisme du ministère de l’environnement et de l’OAQ, souhaite mettre l’emphase sur ses demandes au MDDELCC concernant les agronomes :

  • Qu’une stricte séparation des activités de ventes et de conseils soit mise en œuvre de façon légale.
  • Que des formations obligatoires sur les risques liés à l’usage des pesticides et sur l’agriculture biologique soient présentes dans les formations des agriculteurs et de tous les intervenants agricoles (conseillers agricoles, agronomes, etc.).

Ces deux conditions sont minimalement requise pour assurer un conseil adéquat des agriculteurs ainsi que la sécurité du public.