Montréal, le 31 mai 2018 : Le Bureau de la concurrence Canada vient d’approuver la fusion des entreprises Bayer et Monsanto, autorisant ainsi la création de la plus grande entreprise de pesticides et de semence au monde. « C’est du jamais vu en terme de contrôle corporatif sur l’agriculture à travers les semences et pesticides » déclare Pascal Priori, président de Vigilance OGM.
Concentration de pouvoirs sur l’agriculture sans précédent dans l’histoire.
L’acquisition de Monsanto par Bayer au prix inégalé de 66 milliards de dollars US donne à la nouvelle entité le contrôle d’environ 31 % du marché des semences commerciales et 26 % de celui des pesticides agricoles. Quant aux concessions obtenues par le Bureau de la concurrence, elles sont insignifiantes puisque la vente de certains actifs de Bayer se fera fort probablement à un autre géant : BASF.
Les grandes sociétés Dow et Dupont se sont déjà entendues pour fusionner et l’entreprise étatique chinoise ChemChina a acheté Syngenta. En autorisant la fusion de Bayer et Monsanto, ces trois grandes sociétés nouvellement formées contrôlent plus de 71 % des ventes mondiales de pesticides et près de 61 % des ventes de semences commerciales (1).
Des conséquences désastreuses
L’impact sur le système agricole s’annonce désastreux. « Les semences sont le cœur de notre système alimentaire. Si vous contrôlez les semences, vous contrôler les agriculteurs et l’alimentation » déclare Jane Rabinowicz d’USC Canada. « L’accroissement du contrôle corporatif sur les semences a des conséquences désastreuses sur la diversité des semences et notre capacité d’adaptation aux changements climatiques » ajoute-t-elle.
Par exemple, Vigilance OGM révèle dans une analyse exclusive la hausse importante du prix de semences au Québec compte tenu de l’actuelle concentration du marché. Dans le cas du soya, le prix des semences génétiquement modifiées était environ 50 % plus cher en 2016 et 2017 que les semences de soya conventionnel. De plus, entre 2011 et 2017, le prix des semences soya GM a augmenté de 23,5 % et celui des semences conventionnelles a augmenté de 20,6% (2).
Les principales organisations agricoles du Québec, l’Union Paysanne mais également l’Union des producteurs agricoles craignent le pire. « Alors que le nombre de fermes au Québec diminue d’année en année, les grandes entreprises s’approprient le pouvoir de décider des semences et pesticides des agriculteurs et y compris pour une partie des semences et intrants de l’agriculture biologique. C’est une atteinte directe à la souveraineté alimentaire du Québec » déclare Maxime Laplante président de l’Union Paysanne. Cette tendance est corroborée par l’évolution du nombre d’exploitations agricoles au Canada qui a diminué de 47,1 % entre 1971 à 2016.
« Il est clair que cette situation d’oligopole va accroître le prix et réduire le choix des semences et intrants au détriment de la liberté des agriculteurs. Cela va également accroître encore plus le contrôle de quelques entreprises sur la recherche publique en agriculture (3). Le Québec et le Canada font encore preuve d’une docilité exemplaire envers les grandes entreprises agricoles. Cette décision va exactement à l’encontre de la volonté des consommateurs d’accroître l’accès à des productions locales, biologiques, et sans OGM et celle des agriculteurs de pouvoir faire les choix de base et de vivre sereinement de leur production », résume Pascal Priori, Président de Vigilance OGM.
Alors que les pesticides et les OGM sont plus utilisés que jamais dans l’histoire du Canada, cette nouvelle renforce encore plus la dépossession de notre système alimentaire pour le profit de quelques entreprises.
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Pour plus d’information :
Vigilance OGM , Union Paysanne, USC Canada , Réseau canadien d’action sur les biotechnologies , Alliance pour l’interdiction des pesticides systémiques
Note:
Le Réseau canadien d’action sur les biotechnologies (RCAB) et Vigilance OGM, avaient, dès 2016, demandé au bureau de la concurrence d’évaluer l’impact de cette concentration incroyable sur le secteur agricole. Cette requête est toujours sans suite (4).
Références:
(1) Selon des données de 2014 cités par le Groupe international d’experts sur les systèmes alimentaires durables (IPES-Food) dans son rapport : IPES-Food. 2017. Too big to feed: Exploring the impacts of mega-mergers, concentration, concentration of power in the agri-food sector.
(2) Analyse de Vigilance OGM: Monsanto-Bayer : Conséquences alarmantes pour les agriculteurs au Québec
(3) L’enquête OGM sortie en 2015 précisait déjà : «
On entend souvent que les agriculteurs partout dans le monde adoptent les cultures GM parce qu’ils ont choisi d’acheter des semences GM et que les cultures GM leur offrent plus de choix. Mais la concentration du marché des semences signifie que l’introduction de semences GM est souvent suivie du retrait de variétés non GM et de la diminution des options offertes aux agriculteurs. Ainsi, au Canada, 80 % des 120 variétés enregistrée de canola étaient non GM en 2000. En 2007, on ne trouvait plus que cinq variétés de canola non GM sur le marché. Puisque que l’on retire des variétés non GM petit à petit, et parce que les caractéristiques GM sont insérés dans des cultures classiques déjà dotées des meilleures caractéristiques de rendement, l’achat de semences GM est souvent le seul moyen pour les agriculteurs de se procurer des variétés modernes à rendement élevé. De plus, quand les entreprises déshomologuent des variétés anciennes au Canada, les agriculteurs qui conservaient ces semences et les utilisaient ont perdu la capacité de le faire.
»
Cette concentration s’accompagne d’un désinvestissement massif de la recherche publique en agriculture : «
Au début des années 1980, le secteur public du Canada était responsable de 95 % de la sélection des végétaux et de 100 % de la sélection des cultures céréalières et oléagineuses. Dans les vingt dernières années, le gouvernement canadien a démantelé une grande partie de l’infrastructure publique de la sélection des végétaux au Canada et confié cette responsabilité au secteur privé.
»
RCAB. 2015. Rapport 4 Les OGM sont-ils bénéfiques pour les agriculteurs?
(4) Commentaires soumis en 2016 au Bureau de la concurrence Canada